Le végétal a son mot à dire

Le végétal a son mot à dire /De la musique au design septembre 2014

La réflexion croissante sur la place de la nature dans notre quotidien amène certains artistes à intégrer le végétal dans le processus créatif. Le collectif Data Garden et le designer Alexis Tricoire ont chacun engagé une discussion avec l’organique : le premier au regard de la musique, le second, du design.  

Data Garden, les plantes polyphoniques 

Basé à Philadelphie, le collectif et label Data Garden brouille les pistes entre biologie, art et électro en composant de la musique par les plantes. A l’aide de contrôleurs MIDI branchés aux végétaux, il transforme, par l’intermédiaire d’ordinateurs et de synthés, les réactions biologiques liées à la photosynthèse en nappes sonores. Les modulations ainsi créées font corps avec l’environnement puisqu’elles varient en fonction de l’exposition de la plante à la lumière, de l’arrosage, du toucher, etc…

Data Garden, la musique par les plantes

Les réactions biologiques des plantes sont traduites en musique par l’intermédiaire d’un contrôleur et d’un ordinateur / © Data Garden

Data Garden et Midi Sprout

Les variations sonores résultent de l’environnement des plantes : toucher, arrosage, rempotage… / © Data Garden

Outre le processus créatif qui intéresse certains artistes expérimentaux tel le Dj King Britt (son interview est à retrouver dans l’émission TRACKS du 07/09), c’est la prise de conscience écologique et responsable qui est au coeur du dispositif : reconsidérer le végétal comme élément vivant dans notre quotidien. Précurseur du mouvement DIY-Biofeedback, Data Garden entend bien généraliser la tendance auprès du grand public avec Midi Sprout, petit contrôleur MIDI domestique en voie de commercialisation. 

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Le Midi Sprout, un boîtier qui relie plantes et ordinateur pour une musique organique / © Data Garden

Alexis Tricoire, les objets feuillus

Le travail d’Alexis Tricoire s’inscrit dans cette même lignée en prolongeant la réflexion à l’espace public. Designer végétal, il réexamine la condition des plantes dans notre quotidien en les intégrant directement à l’objet. Interviewé par Le Monde, il envisage sa fonction de « plasticien du végétal » comme créatrice d’un cadre « stylistique et fonctionnel » laissant à la plante la place de croître et de se développer de manière autonome. Le lustre babylone en est le parfait exemple puisqu’il est un cocon propice à l’épanouissement des espèces intégrées. Ainsi, le « design végétal vise non seulement le bien-être de l’homme, mais aussi celui de la plante ».

Actuellement exposé dans les Grandes Serres du Jardin des Plantes pour la Paris Design Week et ce jusqu’au 24 novembre, Alexis Tricoire va plus loin en inversant le processus. Avec Hybridations, ce sont les objets du quotidien qui se transforment en plantes et qui se mettent en scène dans un habitat naturel. Confrontation entre artificiel et authentique, entre construit et originel, le design végétal est ici une manière d’orienter la discussion sur l’éco-responsabilité, le recyclage et le développement durable.

Exposition Hybridations du designer végétal Alexis Tricoire

« La Clairière au Châblis » de l’exposition Hybridations / © Photo de F-G Grandin

La création évolutive

Les travaux de Data Garden et d’Alexis Tricoire nous amènent, chacun dans leur domaine, à reconsidérer notre rapport à la nature. Mais ils permettent aussi d’engager une réflexion sur l’œuvre en elle-même. Se détachant du cadre imposé par l’homme pour suivre le mouvement naturel dû à sa composition organique, la réalisation est en constante évolution. Inventer par les plantes c’est, ainsi, repenser le sens même de la création comme support modulable. C’est faire avec ce qui nous entoure sans imposer de contraintes déterminées. En un mot, c’est se réapproprier notre environnement tout en lui laissant la parole. 

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