L’interview regards croisés

L’interview regards croisés /Sébastien Magro, designer de message novembre 2014

Sébastien Magro est chargé de projets nouveaux médias au Musée du Quai Branly. Ancien de l’Ecole Boulle, membre du conseil de Muzeonum et de la communauté des #museogeeks français son parcours est un dialogue constant entre design et culture. Curieux d’en apprendre plus sur son approche interdisciplinaire, nous sommes allés à sa rencontre pour lui poser quelques questions.

Sebastien Magro : interview design et culture

©photo Sébastien Magro

 En quoi votre formation de designer influence-t-elle votre approche du community management ?

Ma formation en design m’a enseigné la conception « user centered », centrée sur l’utilisateur. C’est une idée que je m’efforce de garder à l’esprit au quotidien dans mon travail, en me demandant « Qu’en pensent les visiteurs ? Qu’est-ce qui leur est le plus utile ? Que puis-je faire pour améliorer leur expérience de visite ? ». Cette idée m’aide à être plus efficace dans mes missions sur le web.

Votre rapport aux publics finaux diffère-t-il de celui d’autres community managers dans l’univers muséal ?

Oui, tout à fait. Au-delà de ma formation en design, on voit bien que l’approche des visiteurs varie d’une institution à l’autre, souvent en fonction de la formation, du profil de la (ou des) personne(s) qui est (sont) derrière les comptes : plutôt médiation pour certain-e-s, plutôt marketing et développement des publics pour d’autres, notamment. La mienne est vraiment dans l’efficacité, au service des publics. Pour une institution culturelle telle que le Musée du Quai Branly, je considère notre présence sur les réseaux sociaux comme un service public. 

 Pour Tim Brown, Président d’Ideo, le design thinking est « une discipline qui utilise la sensibilité, les outils et les méthodes des designers pour permettre à des équipes multidisciplinaires d’innover en mettant en correspondance attentes des utilisateurs, faisabilité et viabilité économique ». Est-ce une piste de réflexion utile à votre profession au quotidien ? 

Bien que je considère ma pratique au quotidien comme influencée par ma formation initiale en design, je ne suis pas un expert en design thinking. Néanmoins, c’est une pratique qui offre des pistes de travail intéressantes. Je pense notamment à la réflexion par le dessin ou le schéma, qui n’est pas forcément dans les habitudes des professionnels des musées (à l’exception peut-être des agents en charge de la régie des œuvres et de la production des expositions), qui ont plutôt l’habitude d’une réflexion à l’écrit, par notes dans des parapheurs ou par mails. Aussi souvent que possible, en réunion notamment, je m’efforce de revenir à un mode de représentation par le schéma qui permet une approche autre (si ce n’est meilleure) d’un projet, quelqu’il soit. C’est aussi comme çà que je peux garder le visiteur au centre du dispositif. 

 On parle beaucoup de l’expérience utilisateur, quelle serait-elle dans le musée de demain ?

L’expérience utilisateur est un terme qu’on utilise déjà au musée, et pas seulement lorsque les visiteurs sont face à des interfaces interactives. Je pense que la visite d’une exposition peut être pensée à la lumière d’une expérience utilisateur plus globale : de la préparation de la visite (une étude récente du Ministère de la Culture et de la Communication a montrée que 35% des visiteurs préparent leur visite en utilisant les sites internet des institutions) au moment où le visiteur poste un commentaire sur son compte Twitter en passant par le guichet où il a acheté son billet, son orientation dans le musée, le parcours qu’il a suivi dans une exposition temporaire ou dans nos collections permanentes – tout cela constitue une expérience complète. C’est à nous, professionnels des musées, de la rendre la plus agréable, la plus stimulante et intéressante possible, qu’on utilise des outils numériques (ou non, d’ailleurs).

Il est toujours difficile de prévoir à quoi ressembleront les musées de demain, notamment avec les évolutions budgétaires dans un contexte économique tendu. Ce qui est sûr, c’est que, comme tous les autres secteurs de notre vie quotidienne, les musées évoluent sous l’effet du numérique, à la fois à l’interne dans leurs missions de conservation et de valorisation des collections nationales, que face à leurs publics, dans l’expérience de visite qu’ils proposent. 

Retrouvez Sébastien Magro sur Twitter et son blogRéflexions sur le numérique au musée.

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